Âmes

Écrit en 2016.

À lire sans méditer.

Dans un monde où la mort n’est pas synonyme de conclusion, il y a l’espace pour de nombreuses histoires. Je vais vous en raconter une. Et d’autres. La première étape est de vous le décrire un peu, ce monde. Il ressemble à celui dans lequel vous lisez ce texte. Les gens y naissent, vivent, et meurent lorsque le temps est venu. Ils commencent à différer plus loin. Chacun prend un chemin qui lui est propre après la mort. Ou du moins, propre à une croyance spécifique. Pour résumer cette dimension, il faut comprendre que tout est vrai. Toutes les religions. Tous les courants spirituels. Depuis le prêcheur de la fin du monde que vous évitez le matin en vous rendant au travail, jusqu’au processus de réincarnation des Tibétains, en passant bien sûr par le paradis chrétien. Strictement tout est vrai.

Prenons un exemple simple : Marie naît dans une famille catholique de la fin du XVIIIe siècle. Ses parents veillent à son éducation et s’inquiètent du salut de son âme. C’est donc tout « naturellement » qu’ils lui parlent de l’enfer pour les pêcheurs et du paradis pour les saints. Toute son enfance, l’enfant écoute ses parents et finit par croire profondément en le sacrifice qu’a fait le fils de son Dieu sur terre pour racheter ses péchés. Elle développe une foi qui sera régulièrement mise au défi par sa condition de femme issue d’un milieu modeste dans un monde où les hommes ont grand pouvoir sur leur épouse. Néanmoins, elle arrive au bout de sa vie, convaincue d’avoir rejeté le péché originel et d’avoir accompli les desseins que son Seigneur et Créateur avait pour elle. Morte, elle est accueillie au paradis par le Saint Pierre, qui lui lira le texte sacré de sa vie pieuse. Marie entrera au paradis et y demeurera dans la béatitude la plus absolue.

Sa vie aurait pu être différente. Mais elle ne l’a pas été.

Qu’en serait-il de Björn, né au début du IXe siècle ? Issu d’une famille en ce qui deviendra la Norvège, il verra deux de ses frères mourir avant l’âge adulte. C’est à treize ans que son Jarl lui décernera son bracelet qui fera de lui un Viking. Sa constitution chétive le conduira à adopter un style de combat basé sur la hachette courte et le poignard baissé. Il lui faudra des années d’entraînement avant d’être perçu comme un guerrier méritant sa place dans une rapine. Ce sera son unique voyage vers le continent ; et il mourra coupé en deux par un bûcheron qui venait d’aiguiser sa hache pour son labeur. Björn, n’ayant témoigné d’aucune peur, sera porté par une Valkyrie vers le palais de son dieu Odin. Une des cinq cent quarante portes s’ouvrira et le Viking pourra entrer au Valhalla afin d’y boire de l’hydromel sans fin, savourer la viande éternelle du Sanglier Serimner, et combattre sans jamais s’en lasser.

Sa mort aurait pu être différente. Si Björn ne s’était pas entraîné avec discipline chaque jour dans le but d’atteindre l’idéal guerrier des Vikings, il n’aurait pas été choisi pour faire partie de la rapine sur le continent. Il ne serait pas mort coupé en deux et n’aurait pas été porté par une Valkyrie vers le palais d’Odin. À la place, il aurait passé sa vie en tant que paysan sur son île. Il aurait épousé Efirr et aurait élevé leurs deux enfants, Heim et Urdd; avec patience. Lorsque son temps serait venu, le froid de l’hiver aurait eu raison de lui, et c’est vers le monde de Hel qu’il aurait été dirigé. Enfermé dans ce monde jusqu’à ce que Ragnarok sonne la fin de l’ère d’Yggdrasil.

D’autres histoires peuvent être racontées. Mipou est un fonctionnaire égyptien ayant vécu durant la 18e dynastie de cette civilisation. Les parents de cette période prenaient grand soin de choisir les prénoms de leurs enfants. Ici, il est d’autant plus pertinent qu’il signifie littéralement « qui est-ce ? ». Sa fonction était de désigner les scribes et de leur attribuer chaque tâche. Il avait choisi cette voie par amour de la gravure et s’était retrouvé enfermé dans un rôle de coordination. Mipou n’écrivait plus. Ou presque plus. Tout au long de sa vie, l’homme s’était lentement refermé sur lui-même. À en devenir majoritairement son travail. Et lorsqu’il mourut, ses collègues passèrent un temps non négligeable à lui chercher un remplaçant compétent. Ils prirent si longtemps avant de réaliser qu’il fallait prévenir l’embaumeur que le processus de momification fût d’une complexité rare. Heureusement, le responsable funéraire était adroit et ne refusait jamais un défi lancé par ses dieux. Pour avoir accès à l’éternité et être mis face à Osiris, la momification devait être opérée selon plusieurs règles sacrées. Le principe de base est que l’âme se détache du corps après le décès et qu’il faut préserver le corps afin qu’ils puissent être unis à nouveau. Sans cela, Mipou serait incapable de ressentir un quelconque plaisir dans son après-vie. L’embaumeur expérimenté commencera toujours par liquéfier le cerveau en passant par le nez. La croyance étant que le cerveau n’a pas de rôle à jouer, il est souvent jeté. Ensuite, il faut retirer les organes internes et placer des sacs de natron. Les organes sont placés respectueusement dans quatre jarres canopes. Ces dernières arborant chacune les formes et visages des enfants d’Horus. Les sacs placés à l’intérieur ont pour rôle de déshydrater le corps et prévenir sa décomposition. Seul le coeur est laissé dans la momie car il devra passer le jugement de Ma’at. Durant cette étape, le coeur de Mipou sera posé d’un côté de la balance et la plume de Ma’at de l’autre côté. Il atteindra Duat, l’autre ronde, uniquement si son coeur est plus léger que la plume. Tout ceci est expliqué dans les quelque deux cents guides vers Duat qui seront disposés dans son sarcophage. Et Mipou aura tout le temps nécessaire pour les lire. L’ordre a peu d’importance dans ce contexte. Ce qui en a, c’est qu’il les lise et applique leurs préceptes avec conviction. Une notion amusante est que le père de Mipou s’est toujours dit qu’il lui faudrait corrompre Anubis pour qu’il truque la balance du Jugement. Cela vient du fait que durant sa jeunesse, Mipou passait son temps à lui faire des farces. C’est fou ce qu’un père pourrait faire lorsqu’il craint pour son enfant.

Sa vie et sa mort auraient pu être différentes. Ça n’a pas été le cas. Mipou n’a pas eu besoin de corrompre Anubis. Ni aucune autre divinité. Il a attendu son corps pendant une courte période, et a pu ressentir du plaisir durant son éternité. Évidemment, tout est histoire de référentiel. Qu’est-ce qu’un siècle ou un millénaire comparé à l’éternité ?

Je pourrais continuer a conter les innombrables vies et morts qui ont traversé les époques mais vous avez compris la notion de base : aucune croyance n’est fausse. Cela fait une longue période que je réfléchis à comment expliquer le plus simplement possible comment tout peut être vrai. Je pose ici et là que la métaphore la plus adaptée est celle d’un miroir. Lorsque vous naissez, un miroir naît. Vous lui faites « dos ». Et chaque pas que vous prenez vous en éloigne dans une direction ou dans une autre. Quand je dis « vous », je parle de l’énergie qui vous compose. Tout acte posé dans une face du miroir crée son équivalent dans l’autre. Mais comme l’énergie ne disparaît pas, lorsque vous mourrez, elle doit aller quelque part. Et comme les opposés s’attirent, vous rejoignez l’autre côté du miroir. Un scientifique a dit que si on ne peut pas expliquer un principe physique de manière simple, c’est qu’on ne l’a pas suffisamment bien compris. Ce n’est pas à moi d’estimer si mon explication est claire. Je ne fais que conter.

Dans ce monde, donc, toute croyance est vraie. Ceci implique que le grand perdant de ce jeu primordial serait, en toute logique, le nihiliste. Un individu ne croyant en rien n’obtiendrait rien. Ou devrais-je dire : un individu croyant en rien l’obtiendrait. D’autres vous diraient qu’il s’agit de l’athée. Mais en fait, l’athée ne croit pas en « rien ». Il ne croit pas en une divinité religieuse. La métaphore du miroir ne se limite pas aux religions. Dans le cas du nihiliste, disons qu’il ne perd rien puis qu’il l’a déjà obtenu. Une autre implication est que le grand gagnant de ce jeu serait l’agnostique. De fait, s’il ne rejette aucune croyance, il est susceptible de toutes les accepter. C’est, du moins, la logique suivie. Il y a des mondes où l’agnostique est souvent considéré comme un dilettante. Celui qui n’a jamais pris de décision. Amusant de penser que c’est celui qui aurait été incapable d’avoir une conviction de son vivant qui aurait le plus de liberté dans sa mort.

Dans ce même monde, une croyance spécifique a un rôle particulièrement important. Davantage que primordial. De l’ordre de l’essentiel. Il existe un courant spirituel qui permet de retourner de l’autre côté du miroir dont je vous ai déjà parlé. Il s’agit de la conviction qu’il existe un cycle de réincarnation. Si chaque action provoque une réaction dans l’autre face mirée, il est facile d’imaginer qu’une action de l’autre côté du miroir pourrait avoir un impact sur son pendant. Ce courant spirituel part du principe que le miroir n’existe pas et, par cette croyance, il devient un canal d’échange entre les mondes. Les membres de ces groupes ont d’ailleurs été envahis, colonisés, victime de génocide, et autres actes de violence que je ne compte pas énumérer. Les Tibétains se sont fait harceler par les Chinois, les Indiens se sont fait occuper par les Anglais. Quelles qu’aient été les raisons, le résultat est là.

Que le miroir existe ou n’existe pas, le fait que ce canal ait été ouvert pose un problème. Si le canal n’existe pas, la vie et la mort sont parfaitement équilibrées. De fait, l’action de l’une s’imprime en tant que réaction de l’autre. Une valeur négative équivaut à la même valeur positive, de manière absolue. Et lorsque l’équation est soldée, l’énergie que la mort acte peut s’interpréter par la décomposition de la vie. Mais si un canal est ouvert, l’équilibre est dans le mouvement. Lorsque le Dalaïlama meurt, ceux qui l’ont accompagné se mettent à la recherche de sa prochaine incarnation. Ils doivent attendre quatre ans, et parcourir à pied la distance qui les sépare de son ancienne vers sa nouvelle demeure. Le problème ne vient pas du mouvement en tant que tel. Il vient du fait qu’il est inconcevable de mettre à charge d’une si infime fraction de l’humanité un rythme de réincarnation qui équilibre les flux. Ainsi, la diminution de cette population croyant en la réincarnation a créé un rythme erratique. Ce qui était normalement quatre ans est maintenant… une valeur comprise entre quatre et l’éternité.

Pour mieux comprendre ce problème, il est important que vous consultiez le chiffre moyen de la natalité annuelle de votre région. Dans le monde dont je vous parle, ce chiffre sera en constante diminution. Et ce, quelle que soit la période où vous vivez, à partir d’après l’origine de ce courant spirituel. Je ne suis pas en train de vous dire que ce courant a mis en route la fin de ce monde. La fin est conceptuelle. J’ai vu et verrai bien d’autres mondes après celui-ci. J’ai juste envie de m’arrêter pendant une brève période sur ce monde en particulier. Principalement parce qu’il s’agit d’un travail d’équipe dont les humains ont rarement fait montre. Et je précise qu’il s’agit de l’humain parce que toute autre espèce se retrouve également dos au miroir. La différence est probablement que l’humain fait un commerce funéraire sous une forme qui n’est pas forcément présente ailleurs. Bien sûr, il y a mise en acte de la mort en tant que telle. Tout ce qui touche à l’aspect administratif, rituel, et opérationnel du décès. Tant d’histoires peuvent relater ces faits… Prenons celle de Lucy. Celle dont le corps a été retrouvé à la fin du XXe siècle en Éthiopie est considérée comme un des premiers chaînons de l’espèce. Que ce soit le cas ou non n’est pas le débat. Ce qui est davantage sûr est que si ces ossements ont été retrouvés, c’est parce que son compagnon l’a enterrée. Sommairement, peut-être. Il a simplement exprimé à leur fils que sa mère était morte. Puis, il a jeté des mottes de terre sur le cadavre en pleurant. À une autre époque, il faudra payer des services. L’ambulance. La morgue. Les pompes funèbres. L’église. Il faudra payer l’administration. Le certificat de décès, le changement de composition de ménage, les actes d’héritage. Il faudra payer l’opérationnalisation de la disposition du cadavre. La chambre froide. La crémation, dispersion. L’enterrement.

Mais ce n’est pas à ce commerce-là que je m’intéresse pour le moment. Il y a actuellement un trafic nettement plus fascinant qui s’opère sous mes yeux. Une période incroyable où les mafias du monde s’investissent dans ce qu’elles appellent le « trafic d’âme ». C’est à ce travail d’équipe que je faisais référence. Je suis toujours dans la découverte du phénomène. Ça n’arrive pas dans n’importe quel monde ou n’importe quelle époque. Il semble qu’à un moment précis de cette Histoire, quelqu’un ait compris que les flux ne sont plus équilibrés. Peut-être est-ce un scientifique qui étudiait la reproduction humaine. Ou un Zoologue qui s’interrogeait sur les causes d’extinctions animales toujours plus nombreuses, toujours plus rapides. Ou alors un Docteur qui ne comprenait pas pourquoi la natalité diminuait. Il y a diverses manières d’expliquer un phénomène. Surtout la conception. Que ce soit juste d’un point de vue biologique, on peut invoquer l’alimentation, la sédentarité, les produits chimiques. Ou simplement un dérèglement hormonal dû à une prise prolongée de médicament contraceptif. D’autres acteurs pourraient s’en mêler, comme les prêtres accusant le couple de ne pas suffisamment s’aimer. Les amants qui doutent. Qui abandonnent. Mais je pense que ce ne sont que des indices. Personne n’aurait la présence d’esprit d’imaginer l’existence du miroir. Personne ne se dirait que le cycle de réincarnation a été abîmé. Ni que le flux d’énergie est à ce point perturbé qu’il n’est plus possible de placer un miroir derrière un nouveau-né. Peut-être que le scientifique de tout à l’heure s’est rendu compte que les naissances annuelles avaient fini par atteindre le nombre exact de décès annuels, après l’extinction de la dernière espèce animale, exceptée l’humanité. Ça reste insuffisant pour tirer des conclusions. À mon avis, quelqu’un est revenu de l’autre côté du miroir avec ses souvenirs.

Normalement, quand quelqu’un meurt, c’est un aller « simple ». Il peut arriver des surprises, comme partout. Râ, Jésus, et Lazarus, pour n’en citer que quelques-uns. L’expérience est un transfert pur d’énergie. Ça ne laisse pas indifférent. Disons que, même lorsqu’un accident arrive, la personne est chamboulée. Tellement chamboulée qu’elle pense avoir fait un rêve. Ou que les personnes à qui elle ose parler du phénomène l’interprètent comme un rêve. Une hallucination. Le fait qu’un jour quelqu’un soit revenu, avec ses souvenirs, ait osé en parler, et que quelqu’un l’ait cru me subjugue complètement. Mais qu’avec cette information, il ait décidé de développer ce que j’appelle un « trafic d’âme »… ça m’impressionne au plus haut point. Il aurait pu faire n’importe quoi avec cette information. Dans ce monde, lorsqu’un couple veut fonder famille, il n’allume pas un cierge ni un quelconque bâton d’encens. Elle paie la mafia pour tuer quelqu’un le jour de la conception. Ça demande une certaine maîtrise. L’acte doit être prévu et exécuté à la « seconde près ». Il faut que l’assassinat ait lieu au moment précis où l’enfant est conçu, pour que l’âme puisse emprunter le canal. Pour que le nouveau-né ait un miroir dans son dos.

Si je sais tout ça, c’est parce que je suis un « conteur ». Disons que je perçois le temps d’une manière différente que d’autres. Les histoires s’entremêlent, se superposent, se suivent. Elles se répètent et se ressemblent. C’est probablement pour cette raison que lorsque je tombe sur un récit qui sort de l’ordinaire, je n’y suis pas indifférent. Tout finit de la même manière. Cette fois-ci, ça commence avec un décès. Lee est un enfant du XXIVe né grâce à une transaction interdite. Il n’a pas attendu qu’une vieille femme meure étouffée par son chat dans son sommeil. Il n’a pas non plus attendu un accident pour naître. Ses parents ont eu recours à un mafieux pour l’avoir.

Le problème, c’est qu’avoir un enfant coûte cher à bien des titres. Et que les parents de Lee ont eu des difficultés à faire les paiements. La mafia n’est pas une banque patiente, et lorsqu’une créance attendue n’est pas délivrée, il y a des conséquences. Un concessionnaire récupérerait sa voiture. Un restaurant vous ferait faire la vaisselle. Eux, reprennent l’enfant. L’opération conduisant à sa naissance étant complexe, et sa survie assurant une dette à vie de ses parents; il n’est pas question de le tuer. Ils le récupèrent parfois pendant juste quelques jours. Assez pour mettre la pression sur les parents. Avoir un versement. Parfois, les parents vont dans l’extrême. L’illégal. Vol. Agression. Prostitution. C’est fou ce que ferait un parent pour son enfant. Surtout lorsqu’il sait que sa progéniture est aux mains d’un « trafiquant d’âme ». Ce dernier sous-louera Lee, à l’occasion. Pour à peu près tout ce qui pourrait vous passer par la tête. Le scabreux humain a peu de limites. L’enfant survit. Il croît. Il n’appelle pas son père biologique « père ». Il l’appelle par son prénom. Puis, il arrête de l’appeler. À ses onze ans, sa mère contracte une maladie vénérienne. À ses treize ans, son père biologique est abattu par la Police au milieu d’une attaque à main armée. Jusqu’à ses seize ans, il voit sa mère pourrir. Sa peau se dessèche. Elle fane. Elle craquelle. Elle perd un oeil, puis l’autre. Il se met à appeler le trafiquant d’âme « père ». Et demande à son père une arme. Quelque chose d’indolore. Le mafieux n’est pas du genre compatissant. Il est vendeur, et ne fait pas de rabais. Mais il sent une opportunité. Il propose d’échanger le prix de l’arme contre l’âme de la mère. Lee, qui voulait juste la libérer de sa misère, se retrouve face à un choix auquel il n’était pas préparé. Il finit par accepter. Le fils fait manger à sa mère une poudre de nanobots. Les composés électroniques microscopiques se fixent sur les neurones de la vieille plante. Ils attendent l’ordre de déclencher l’apoptose. Une mort sophistiquée et indolore. Minutée. Et c’est en la voyant mourir que Lee perd les dernières traces de sentiments qui survivaient péniblement en son intérieur. Pendant un an, il planifiera une manière de tuer le plus de trafiquants d’âme possible. Mais que peut faire un homme seul face à la pègre la plus puissante de l’époque? Il en tuera à peine une poignée avant que son âme soit brutalement échangée pour une autre. En mourant juste avant ses dix-sept ans, son miroir s’éteindra sans avoir eu quoi que ce soit d’imprimé de l’autre côté. Un nihiliste ne perd rien, puisqu’il l’a déjà obtenu.

Passionnant mais court. Trop court. J’aurais préféré une vie plus longue. Plus riche. Mais quand c’est intense, on ne peut pas se plaindre. On ne peut pas tout avoir. C’est étrange, cependant, de voir que chaque individu de ce monde ne fait que patauger sans direction précise dans ce chaos systématique. Aucun d’entre eux ne se déciderait à chercher une solution pour le miroir. L’enrichissement matériel de quelques-uns semble primer sur la pérennité du système entier. J’ai vu d’autres mondes. J’en verrai d’autres, encore. Et c’est comme s’ils ne voyaient pas que ce monde va vers une apocalypse anticipée.